Par son dernier avis, la Cour de cassation est venue préciser que l’absence de notification de la déclaration d’appel à l’Avocat constitué dans les dix jours de l’avis de fixation 905 du CPC n’est pas sanctionnée par la caducité de l’appel.

L’article 905-1 du Code de procédure Civile dispose:

« Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat »

Ce texte ne précise pas expressément dans quel délai et sous quelle sanction l’avocat de l’appelant devait notifier sa DA à l’avocat constitué ?

L’ensemble des professionnels du droit en déduisait que l’appelant devait impérativement notifier à l’avocat sa déclaration d’appel à peine de caducité dans les dix jours à compter de l’avis de fixation.

Les juridictions sanctionnaient de caducité ce défaut de diligence.

Lors de la publication du Décret n°2017-891 du 6 mai 2017, les praticiens s’étaient tous interrogés sur les motifs qui avaient poussé les rédacteurs à imposer cette diligence aux avocats. En effet, l’avocat qui se constitue est dans 99,99 % des cas déjà en possession de la déclaration de l’appel ! S’il ne l’a pas il peut la réclamer au conseil de l’appelant.

Sans doute pour se défendre, un Avocat à qui l’on opposait probablement la caducité de son appel pour ce motif, a sollicité la saisine pour avis de la Cour de Cassation au visa notamment de l’article 6§1 de la CEDH.

Les magistrats de la Cour d’Appel d’Amiens ont relevé le défi et ont saisi la Haute Cour d’une demande d’avis ainsi formulée :

« Lorsqu’un intimé constitue avocat postérieurement à l’avis de fixation à bref délai adressé par le greffe à l’appelant conformément à l’article 905 du code de procédure civile et avant l’expiration du délai de dix jours de la réception de l’avis de fixation à bref délai prévu par l’article 905-1 du même code, la déclaration d’appel doit-elle être notifiée à l’avocat de l’intimé dans un délai déterminé ?

– en cas de réponse affirmative à la question précédente et dans l’hypothèse d’une constitution d’avocat par l’intimé dans les mêmes circonstances, quels sont la durée et le point de départ du délai ouvert à l’appelant pour notifier la déclaration d’appel à l’avocat de l’intimé ? 

– dans l’hypothèse d’une constitution d’avocat par l’intimé dans les mêmes circonstances, l’absence de notification de la déclaration d’appel à l’avocat constitué par l’intimé, dans le délai ouvert, emporte-t-elle caducité de la déclaration d’appel ?  » ;

Par son avis, la Cour de Cassation est allée à contre-courant de ses dernières positions très restrictives, considérant au visa de l’article 6§1 de la CEDH, que le défaut de notification de la DA à l’avocat d’un intimé n’était plus assortie de sanction.

La Cour de Cassation s’est-elle rendue compte que les auteurs du Décret n°2017-891 du 6 mai 2017 avaient inutilement compliqué la procédure d’appel ?

Quoi qu’il en soit, il résulte de cet avis que:

« Dans ces conditions, sanctionner l’absence de notification entre avocats de la déclaration d’appel, dans le délai de l’article 905-1, d’une caducité de celle-ci, qui priverait définitivement l’appelant de son droit de former un appel principal en mettant fin à l’instance d’appel à l’égard de l’intimé et en rendant irrecevable tout nouvel appel principal de la part de l’appelant contre le même jugement à l’égard de la même partie (article 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile), constituerait une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge consacré par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En conséquence, l’article 905-1, alinéa 1, du code de procédure civile doit être interprété en ce sens que l’obligation faite à l’appelant de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel. »

Ainsi, la caducité n’est encourue que si l’appelant ne signifie pas sa déclaration d’appel dans les dix jours à l’intimé défaillant, et non à l’avocat qui s’est constitué entre temps.

On peut légitimement espérer que la Cour suprême aura la même interprétation de l’article 902 du CPC, qui prévoit la nécessité de notifier la DA à la partie dans le mois de l’avis du greffe et à son avocat si celui-ci se constitue dans le délai.

Il convient d’être prudent car le délai d’un mois de l’article 902 CPC pourrait être suffisamment long pour ne pas être contraire au droit à l’accès au juge. De plus les avis rendus ne sont pas forcement suivis par les arrêts de cassation qui peuvent avoir un sens différent. On se souvient des discordances liées au défaut de notification simultanée des pièces et conclusions en cause d’appel (Avis n°12000012 du 25 juin 2012 contredit par l’Arrêt du 30 janvier 2014 n°12-24.145).

Il est probable que suite à cet avis, la Cour soit très prochainement saisi de pourvois en cassation contre les arrêts sur déféré ayant prononcé la caducité. Ceux qui n’auront pas déféré les ordonnances dans les délais seront privés de recours.

Espérons que la 2ème Chambre de la Cour de Cassation continuera à interpréter les textes en faveur de l’accès au juge et non en multipliant les chausse-trappes et autre pièges de procédure, décourageant bien souvent les justiciables ou leurs conseils de faire appel…

Joseph MAGNAN

Avocat au Barreau d’Aix-en-Provence

Spécialiste en procédure d’appel

2, rue Matheron – 13100 Aix-en-Provence – Tel: 04.42.23.30.43

Lien vers l’avis n°15010 du 12 juillet 2018 de la 2ème chambre de la Cour de cassation :

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/avis_15/avis_classes_date_239/2018_8608/12_juillet_2018_1870008_8890/15010_12_39837.html