Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a été publié au JO du 12 décembre 2019 (Ci-après le Décret). Si la majeure partie de la réforme concerne le fonctionnement des juridictions d’instance avec notamment la création du Tribunal Judiciaire qui vient faire le pendant au Tribunal administratif, certaines de ses dispositions viennent impacter sensiblement la procédure devant la Cour d’appel.
On ne peut que regretter que les documents d’information de la chancellerie[1], qui ont certes le mérite d’exister, ne traitent pas expressément de ces questions.
Pour l’heure nous allons nous intéresser aux impacts du Décret sur la formalisation de la déclaration d’appel.
En effet, un certain nombre de dispositions de la procédure d’appel font références aux règles de la procédure d’instance.
L’article 901 du CPC dans sa version en vigueur au 1er janvier 2020 dispose que :
« La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle. »
Il convient de préciser que conformément au I. de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2020 et s’applique aux instances en cours à cette date.
Il n’est plus fait référence à l’article 58 mais à l’article 57 du CPC (qui avant la réforme concernait la procédure sur requête conjointe).
L’article 57 du CPC dans sa version modifiée par le Décret précise désormais :
« Lorsqu’elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Lorsqu’elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54 du CPC, également à peine de nullité :
-lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
-dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
Elle est datée et signée. »
L’article 54 du CPC dispose dans sa version en vigueur que :
« La demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.
Lorsqu’elle est formée par voie électronique, la demande comporte également, à peine de nullité, les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur lorsqu’il consent à la dématérialisation ou de son avocat. Elle peut comporter l’adresse électronique et le numéro de téléphone du défendeur.
A peine de nullité, la demande initiale mentionne :
1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
2° L’objet de la demande ;
3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ; il s’agit de la reprise de l’ancien article 58 du CPC
- b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;
5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative ;
6° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. »
Conformément au I de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2020. Elles sont donc applicables aux instances en cours à cette date. On se demande comment un article relatif à l’introduction d’une instance peut s’appliquer aux instances déjà introduites, il s’agit probablement d’une maladresse de rédaction plus que d’une volonté de conférer de facto un effet rétroactif à cet article.
Il convient de reprendre point par point les mentions obligatoires exigées par le nouvel article 57 du CPC :
La mention de l’adresse électronique et du numéro de téléphone portable du demandeur :
Cette mention est prescrite à peine de nullité. On se demande si la présence de ces mentions vient se substituer ou seulement compléter les coordonnées du demandeur.
A l’heure de la protection des données personnelles, on peut s’interroger sur l’opportunité de prévoir la transmission du numéro de téléphone portable du demandeur, le téléphone ayant une fonction bien plus large que la simple communication vocale (SMS, identification géolocalisation etc.).
Concernant les mentions listées :
1° La juridiction : ce champ de la DA est rempli automatiquement par le RPVA dans les procédures avec représentation obligatoire.
2°L’objet de la demande : L’appel tend, par la critique du jugement à sa réformation ou à son annulation[2], depuis le 1er septembre 2019 l’objet de l’appel est complété par la liste des chefs dont appel.
3°L’identification des parties : Cette dispositions reprennent celle de l’ancien article 58 du CPC qui a été totalement refondu.
6° Les modalités de comparution et l’information d’une décision rendue sur la base des informations de l’adversaire. Cette mention ne figurait pas dans l’ancien article 58 du CPC.
On peut se demander si cette mention à vocation à s’appliquer à l’appel puisque l’article 902 du CPC prévoit déjà que le greffier informe la partie de l’obligation de constituer avocat.
Toutefois cette obligation n’est que partielle puisque la greffe n’a pas l’obligation de préciser à quel barreau doit être inscrit l‘avocat ni le risque d’une décision par défaut.
Il conviendra d’être vigilant car les modalités de comparution ne sont pas les mêmes dans la procédure avec représentation obligatoire selon que les règles de postulation territoriales s’appliquent ou non, notamment en matière sociale.
Il y a lieu de relativiser la portée de cette liste de mention à caractère générique puisque nous sommes en présence de nullités de forme relevant du régime de l‘article 112 du CPC qui impose la preuve d’un grief et la nécessité de soulever le moyen in limine litis devant le Conseiller de la mise en état ou devant le Président de chambre.
Pour l’heure, il convient d’être prudent en l’absence de décision ou avis de la Cour de cassation alors même que les notes de la chancellerie précitées ne font aucune allusion à ces nouvelles dispositions dont on a bien l’impression qu’elles constituent les dommages collatéraux de la réforme de la procédure d’instance.
En outre, le praticien va se heurter à l’absence de rubrique ou de champ pour l’insertion de la liste des pièces et des modalités de comparution.
Le bon sens prévoit l’insertion de ces mentions dans le champ de 4080 caractères relatif à l’objet de l’appel.
La question de la possibilité d’ajouter une pièce jointe se pose car l’article 57 précise que la requête « contient la liste des pièces » et non pas qu’un bordereau y est annexé.
En l’espèce, Dans sa circulaire du 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, la Chancellerie est venue préciser que « Dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant ».
Contrairement à la liste des chefs du jugement aucune circulaire ne semble autoriser l’adjonction d’une pièce jointe.
Cela étant, on peut observer que la pièce première sur laquelle se fonde l’appel est bien la décision dont appel qui est visée par définition. Ensuite, force est de constater que le grief causé sera impossible à démontrer si les pièces sont dans une annexe, si elles sont identiques à celle de première instance et surtout si un bordereau est annexé aux conclusions…
Par précaution, il sera opportun de préciser que la liste des pièces est communiquée sous réserve de communication de pièces ultérieures.
Comme à chaque réforme de procédure il conviendra d’être particulièrement prudent sur la lecture de ces nouveaux textes avant que les juridictions ne se prononcent.
D’ici là, la vigilance s’impose !
[1] http://www.justice.gouv.fr/art_pix/PC_Decret_2019-1333_Presentation_principales_modif.pdf
[2] 542 du Code de procédure civile
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